Entre son implication au centre de formation de Metz Handball, sa préparation au Titre à Finalité Professionnelle de Niveau 6, et ses multiples autres activités, l’ancienne capitaine messine est bien placée pour évoquer les étapes qui jalonnent une carrière et compliquent le moment de la reconversion.
Elle a ce besoin éternel de vivre et s’embarquer, de bousculer les codes comme elle repoussait les assauts au coeur de sa défense. Nina Kanto ne tient jamais vraiment en place, fougueuse et passionnée, à l’affut d’un nouveau défi, surtout s’il est perdu d’avance. A la tête du centre de formation de Metz Handball après avoir accompagné les U17 France, elle s’est engagée dans la formation du Titre à Finalité Professionnelle de niveau 6 qui lui réclame entre 300 et 400 heures de concentration au long de la saison. « C’est assez dense, admet-elle, mais j’aime faire face à ce type de difficultés. »
On la devine sereine, épanouie, loin de ce ce noir qu’elle a broyé, de ces silences, parfois, révélateurs d’inquiétude et de doute. C’était en 2016, au couchant d’une carrière incandescente. Elle remisait sa vingtaine de titres nationaux, ses deux médailles et ses milliers de souvenirs en Bleu. Elle était persuadée de crouler sous les propositions et semblait prête à défier la suite du regard. « Mais je me suis retrouvée sans projet, soupire-t-elle, simple maman, même si c’est évidemment un métier extraordinaire. Je m’attendais à être accompagnée, guidée, mais personne ne m’a tendu la main. Je suis passée d’internationale à rien du tout. J’en voulais à la terre entière, j’étais animée comme d’un sentiment de honte. Je sais maintenant que tout ça était de ma faute, qu’à force de vivre dans un monde où tout vient à toi, je n’ai pas su aller chercher quelque chose. Par pudeur ? Education africaine ? Je ne sais pas. Mais je sais que j’ai vécu comme un moment de dépression. Heureusement que ma fille est arrivée à ce moment-là. »
Elle lui a redonné le sourire, l’envie de bondir. Avant de s’arrêter, elle avait posé de nombreux jalons, créé une entreprise, NK Sports Connexions, au sein de laquelle elle exerçait en qualité de conférencière et consultante pour les mondes du sport et de l’entreprise. Elle animait des ateliers de Team Building, il lui arrivait de se muer en coach sportive pour des entreprises ou des particuliers. Elle s’était aussi essayé au métier de chroniqueuse pour Mirabelle TV ou France 3, grâce à ce penchant naturel pour les subtilités de la communication.
Thierry Weizman, le président lorrain, lui a d’ailleurs logiquement proposé d’intégrer ce service. Elle rédigeait le journal que l’on distribue les jours de match, gérait certaines relations avec les partenaires, sa longue crinière flottait dans les espaces VIP. « Mais c’était énergivore et pas vraiment compatible avec un bébé de quatre mois et l’emploi du temps de mon conjoint », regrette-t-elle.
Elle n’a pas tardé à rebondir en prenant la direction commerciale de Belgatrans, un partenaire du club, pour gérer la logistique de sa flotte de transport de personnes. Avec un patron inspirant et une équipe bienveillante, elle a trouvé un équilibre avant que le Covid ne l’oblige à se recycler sur le transport de marchandises. Elle a alors intégré l’équipe de la SAEML Metz Techno’pôles au sein du Cescom. La société possède des hôtels d’entreprises et propose des solutions d’hébergement et de domiciliation pour faciliter leur implantation sur le territoire. Nina Kanto gérait les partenariats externes et internes comme par exemple ceux liés à la communauté Myreseau afin de créer des connexions et aider à la mise en relation. « On m’a reproché de prendre trop de place, et les valeurs n’étaient pas celles que je défends », déplore-t-elle.
Son créneau à elle, c’est celui du sport de haut niveau. La force collective. L’entraide. La solidarité. Elle s’est recentré sur ses thèmes fétiches au travers de son entreprise qu’elle développe à plein temps. « Les gens ne savent plus travailler ensemble, soupire-t-elle. J’essaie de mettre en parallèle le haut niveau et les partenariats. Les problématiques sont souvent identiques lorsqu’elles touchent à la gestion du leadership, la concurrence, le dépassement de soi, la cohésion. Je fais du Team Building autour du handfit et de nombreuses autres activités comme le step ou le yoga. »
Tout ça, c’était avant un coup de fil à Laurent Frécon. Un coup de final banal qui va changer sa trajectoire. « J’entraînais à Montigny-les-Metz et je voulais savoir si au regard de ma carrière je pouvais obtenir une équivalence, raconte-t-elle. J’avais plus ou moins coupé les ponts avec ce monde-là. Laurent a fait le forcing pour que je passe le T5. Il ne m’a plus lâchée. Il m’a permis de me réconcilier, de panser mes plaies, de me conforter dans l’idée que le handball reste une grande famille. Mais il faut frapper aux portes. Aujourd’hui, il existe de nombreuses solutions pour bien appréhender la suite. C’est ce que je dis aux jeunes : si vous n’arrivez pas à trouver le bon parcours de reconversion, c’est que vous n’avez pas envie. »
Nina Kanto a validé son T5 à la mi-juin cette année. Le 27 juin, elle démarrait le T6. Début juillet, elle entrait au centre de formation. « Tout est allé très vite, sourit-elle. La formation, c’est 2 à 3 jours par mois. Avec des modules de management, de connaissance de soi ou de spécifique handball. J’ai des dossiers à rendre, des séminaires obligatoires, d’autres que je peux choisir. Et je devrai rendre deux mémoires, un sur la façon d’agir dans un environnement professionnel et l’autre sur l’accompagnement des jeunes dans leur projet de vie. »
Avec son vécu, elle devrait avoir une bonne matière pour séduire le jury et susciter des vocations. Et sinon, d’autres projets ? « À moyen ou long terme, j’aimerais oeuvrer dans le staff de l’équipe du Cameroun », répond-elle en éclatant de rire.
Philippe Pailhoriès